La broderie, c'est un peu de notre histoire à nous, les femmes
Le point de croix, devenu de nos jours "loisir créatif", a des origines bien féminines.
Lorsqu'au XVIIe siècle les filles de bonnes familles commencent à devoir apprendre à lire, à la maison d'abord, puis dans des institutions religieuses, la broderie venait juste après la lecture dans la suite de leurs travaux.
Durant plusieurs décennies, c'est donc par le fil rouge des marquoirs que les petites filles accèdèrent à l'écriture.
La plume ce sera pour plus tard... parfois jamais pour certaines.
Les fillettes apprennent donc à lire, à écrire, à compter et travaillent chaque jour à leur marquoirs, cette pièce de tissu sur laquelle elles s'exercent à broder l'alphabet et les chiffres qui marqueront un jour leur linge.
Les collectionneurs d'aujourd'hui se souviennent-ils qu'il n'y a pas si longtemps, au sortir de l'école, les filles préparaient encore leur trousseau et le marquaient de leurs initiales en attendant un mari ?
Ainsi, de l'enfance à l'adolescence, le point de croix accompagnait l'attente et la transformation des jeunes filles en femmes.
Marquer son linge était très important dans l'univers féminin qui s'affairait autour du trousseau des filles pubères.
Le linge marqué de ce trousseau les accompagnera, jeunes femmes, dans leur nouvelle existence et sera intimement mêlé à tous les évènement de leur vie ; dans la joie ou la souffrance, de la naissance à la mort, linge sali, lessivé, blanchi, neuf ou usé, mais portant toujours dans un coin ces lettres rouges : ces traces indélébiles d'une identité de femme qu'il nous arrive encore de retrouver dans nos armoires ou chez les antiquaires.
Linge marqué, lieu de mémoire, symbolique féminine du rouge de l'amour, du sang, de la vie.
N'est-ce par un peu ce qui, de nos jours où la femme se dit "libérée", nous attire à nouveau vers la broderie de ces abécédaires qui nous passionnent au point d'en faire, refaire, et refaire encore, toujours différents, mais malgré tout si semblables à ceux des petites filles, jeunes filles et jeunes femmes du passé qui nous précédèrent dans cette activité.
Amicalement,
Guyaine-Amaryllis (Guyloup)